« Pour une autre politique migratoire – mobilisation pour lancer les EGM

Les six premiers mois de la nouvelle majorité : une politique migratoire encore plus régressive, bafouant les droits fondamentaux des personnes migrantes

Deux marqueurs se dégagent assez fortement des six premiers mois de politique migratoire menée par la nouvelle majorité au pouvoir.

Premier marqueur. Nous sommes face au déploiement d’une politique migratoire qui est et se veut, d’abord et avant tout, une politique répressive d’éloignement, avec comme objectifs : empêcher à tout prix les personnes migrantes d’entrer sur le territoire français ; exercer un contrôle tous azimuts et un « tri » des personnes migrantes qui sont déjà présentes sur le territoire pour pouvoir en expulser le plus grand nombre possible.

Un accueil en matière d’asile et d’immigration existe en France, mais cet accueil n’est absolument pas à la hauteur des enjeux, est de plus en plus restrictif (notamment dans ses conditions d’accès), et ne fait pas le poids face au versant répressif extrêmement dominant de la politique migratoire conduite aujourd’hui.

Cette politique des six premiers mois, dans le prolongement des précédentes mais certainement de façon plus accentuée, a d’abord été une politique de la dissuasion, du contrôle, du tri, de l’expulsion.

Deuxième marqueur. Le deuxième marqueur, en lien avec le premier et avec effet aggravant, est que cette politique s’est menée, de façon répétée et dans des proportions inégalées ces dernières années, au mépris du respect des droits fondamentaux des personnes migrantes, au mépris du droit et des décisions de justice, au prix du harcèlement de celles et ceux qui leur viennent en aide.

Le cocktail de ces deux marqueurs – politique répressive d’éloignement et affranchissement du droit – a été et est dramatique pour les personnes migrantes.

Ainsi, au niveau national, et pour ne prendre que quelques exemples :

L’Etat refoule à la frontière des personnes migrantes sans qu’elles puissent faire valoir leur droit à demander l’asile.

Des mineurs isolés sont laissés sans protection alors qu’ils sont sur le territoire français.

Des personnes migrantes à la rue sont empêchées de subvenir à leurs besoins fondamentaux (accès à l’eau, douche, nourriture…), leurs biens sont détruits, quand elles-mêmes ne sont pas violentées pour être dispersées.

Les mises à l’abri, quand elles sont proposées par l’Etat aux personnes migrantes en errance, sont systématiquement conditionnées par une logique de tri pouvant amener ces personnes à se retrouver rapidement en centre de rétention administrative ou assignées à résidence. Pas de mise à l’abri par seul devoir humanitaire stricto sensu. Le principe d’un accès inconditionnel à un hébergement d’urgence quelle que soit la situation administrative de la personne est ici honteusement dévoyé.

Les centres de rétention administrative (CRA) fonctionnent à plein régime avec son corollaire, une explosion de violations des droits. Ainsi, dans six des neuf CRA où intervient La Cimade, depuis début octobre, 41% des personnes enfermées ont été libérées par des juges qui ont sanctionné des pratiques administratives illégales (personnes provenant de pays en guerre, personnes relevant de la procédure Dublin…). De quel Etat de droit s’agit-il quand près d’une personne sur deux a été enfermée en toute illégalité ?

Le nombre de familles avec enfants placées en rétention est monté en flèche, 8 familles pour le seul CRA du Mesnil-Amelot ces dernières semaines, au mépris de l’intérêt supérieur des enfants.

L’Etat en vient même à envisager de se servir de mesures détournées pour lutter contre l’immigration irrégulière. Un exemple édifiant : la loi de lutte contre le terrorisme. Via notamment les possibilités de contrôle aux frontières élargi prévu dans le cadre de cette loi, l’Etat ne cache pas que ces contrôles participeront de la lutte contre l’immigration irrégulière. Il est à craindre une généralisation du contrôle au faciès et une chasse aux personnes sans papiers qui ne dit pas son nom.

Au niveau international et européen, l’Etat français n’a pas été en reste, et a même été assez proactif ces six premiers mois. Deux exemples :

Une accélération des discussions/négociations relatives à l’externalisation des contrôles via notamment les pays de transit (réunion par le président de la République de chefs d’Etats africains et européens du sud pour causer principalement lutte contre l’immigration irrégulière et contrôle des frontières, avec de plus la nomination d’un ambassadeur chargé spécifiquement de ces sujets). L’Etat négocie ainsi avec des pays dans lesquels les droits des personnes migrantes ne sont pas du tout garantis et des maltraitances sont avérées. Même si la prise de conscience a un peu évolué ces derniers jours, il était même envisagé de considérer la Libye comme un partenaire fiable en la matière…

L’annonce certes de la réinstallation de 10 000 personnes réfugiées identifiées par le HCR, dont 3 000 à partir du Tchad ou du Niger, mais qui cache en réalité une révision à la baisse des engagements d’accueil de la France pris en 2015 en matière de réinstallation, et de relocalisation.

Pour finir ce bref tableau de six premiers mois de politique migratoire, il est utile d’évoquer rapidement les informations connues concernant le futur projet de loi asile-immigration qui devrait être soumis en conseil des ministres en janvier 2018 (aucun texte diffusé à ce jour, mais une présentation, par le ministère de l’Intérieur à plusieurs de nos associations, des grandes lignes envisagées).

Les contenus annoncés de ce projet de loi viennent malheureusement corroborer et accentuer fortement la tendance des six premiers mois. Outre deux ou trois améliorations en termes de protection, des mesures régressives importantes sont au programme. Entre autres : intronisation de la notion de pays tiers-sûr, réduction du délai de recours à la CNDA, possibilité de placer en rétention les personnes « dublinables » avant même connue la décision de l’Etat responsable, généralisation d’une mise à l’abri assortie d’un contrôle-tri des personnes hébergées, allongement de la durée de la retenue administrative de 16 à 24 heures, allongement de la durée de la rétention de 45 à 90 jours (prolongeable au moins une fois pour 15 jours)…

Ces six premiers mois et les annonces liées au projet de loi à venir augurent de durcissements considérables s’agissant de la politique migratoire qui entend être menée ces prochaines années en France.

La Cimade, 21 novembre 2017